dimanche 24 juin 2007

Tokyo, de l’infiniment petit à l’infiniment grand


Le voyageur européen qui s’aventure en Asie en général, au Japon en particulier et à Tokyo tout spécialement, doit apprendre à penser la ville différemment. Dans Tokyo, la foisonnante et la surpeuplée (on compte 12 millions d’habitants intra-muros, 30 millions dans toute l’agglomération), il est inutile de chercher le panneau « centre ville ». La ville a en effet une multiplicité de centres, organisés chacun autour de gares gigantesques. Parmi les plus imposants, on peut citer le quartier de Nihombashi et

Marunouchi autour de la gare de Tokyo, le quartier de Shinjuku, celui de Shibuya, ou de Roppongi. Ces gares, nœuds de communication, structurent chaque quartier : à proximité, on trouve les grands immeubles, les lieux de sortie, les centres commerciaux, les entreprises…Plus on s’en éloigne et plus la vie devient paisible. Le trafic se raréfie, les bâtiments rapetissent. Le vélo devient vite indispensable pour rejoindre la gare. On trouve encore dans ces zones résidentielles des sento, bains publics, où les enfants grattent le dos des aînés à la brosse, où les anciens se retrouvent pour discuter, où les jeunes se relaxent dans un bain bouillant. On y trouve aussi des jardinets aux arbres nains taillés en boule, des petites échoppes venues d’un autre âge qui ne vendent que des sacs de riz ou d’autres produits de base…Il fait bon se perdre dans ces ruelles. A Tokyo, il est vain de chercher à tout voir. Voir quoi d’abord ? Même si on y trouve de nombreuses galeries, des musées privés ou nationaux, des temples bouddhistes ou shintoïstes, de très beaux bâtiments d’architecture contemporaine, des gratte-ciel…etc., il y a finalement assez peu de monuments.

Le plaisir d’une visite de Tokyo est celui de se laisser porter par ses envies au hasard des rues et ruelles sans nom qui dessinent un réseau labyrinthique dont la cohérence répond aux exigences du quartier, mais pas à une logique cartésienne, ni à un plan d’urbanisme très défini. Je me rappelle, après avoir vécu plus d’un an dans le quartier très tranquille de Narita Higashi, situé dans le grand arrondissement résidentiel de Suginami, m’être égaré à deux pas de chez moi dans des ruelles, en tout semblables à celle où j’habitais.

Une visite à Tokyo commence en général par la gare ou la station de métro. On choisit une sortie. On peut s’arrêter dans une gargote avoisinante en cas de petit creux, la nourriture y est très abordable et généralement de bonne qualité. Pourquoi ne pas se laisser tenter par un curry japonais, de couleur marron et pas très épicé, ou par des tempura, ces fameux beignets légers et croustillants de crevette, poisson blanc ou légumes variés, ou encore par une délicieuse soupe de nouilles, au bon bouillon à base d’ail, de sauce de soja et de viande de porc, les ramen. Pas de petit creux ? Lancez-vous dans une expérience shopping. Au premier abord, vous pourrez avoir l’impression d’être en terrain connu, vous reconnaîtrez peut-être de grandes enseignes globalisées. Mais les Japonais possèdent cet art subtile d’assimiler et de recodifier tout ce qui vient de l’extérieur. L’accueil « enveloppant », à la fois discret et attentif, et bien sûr ultra poli, qui vous est réservé dans le moindre commerce, est en soi une expérience intéressante. Tokyo est la ville des grands magasins : ceux du quartier d’Ikebukuro, par exemple, font dans la démesure. Leur gigantisme et leur architecture massive font qu’on a surnommé ce bloc de magasins juchés au-dessus de la gare, le « Berlin Wall » de Tokyo ! Mais c’est aussi la ville des petites boutiques : les créateurs (t-shirts, accessoires, vêtements branchés à Harajuku ou Daikanyama), l’artisanat (à Asakusa près du temple Sensô-ji ou aux abords du parc de Ueno), les kimonos et les marques de luxe (à Ginza ou Shinjuku Est), etc.

Aujourd’hui, la tendance en matière de développement urbain à Tokyo est au complexe intégré proposant : une poignée de gratte-ciel, un parc ou un espace ouvert au public, un centre commercial, des espaces culturels (cinéma, musée…), des bureaux. Le modèle du genre est Roppongi hills, inauguré en 2003. Depuis, le complexe de Shiodome a ouvert et d’autres se préparent à ouvrir. Tokyo qui s’étendait plutôt en surface, avec ces maisons basses collées les unes aux autres, gagne en hauteur. Le manque de place et le besoin d’espaces vert expliquent cette tendance. Et c’est intéressant de passer d’une vision à l’autre : des petits pâtés de maison aux grands complexes.

Voilà, c’étaient juste quelques réflexions ou impressions tirées de ma vie à Tokyo. J’espère qu’elles vous ont donné un petit aperçu de la diversité et de l’originalité de cette ville. On pourrait écrire bien d’autres articles très différents sur Tokyo, tellement cette capitale aux dimensions démesurées est un monde en soi. Le mieux, c’est encore de tenter le voyage pour rapporter ses propres impressions.

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Tatamisés, les fous de Japon by François-Xavier ROBERT est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de Modification 2.0 France.

1 commentaire:

Ghismo a dit…

Cette manière d'aborder la ville est également vraie pour Osaka (et sans doutes pour un grand nombre d'autres villes japonaises, même plus petites).

Je me retrouve totalement dans cette description, partir de la gare, puis rayonner, chercher à se perdre pour trouver... trouver quoi, on ne le sait jamais trop avant. Une chose est sûre, on trouve toujours quelque chose pour intéresser ou amuser (en japonais, ces deux mot n'en font qu'un) nos yeux d'occidentaux.

D'autant que se perdre dans ces villes immenses est finalement sans risque. Sans parler du climat de sécurité qui règne au Japon, on ne se perd jamais totalement, en déambulant, on finit toujours par croiser une bouche de métro ou une ligne de chemin de fer, et à partir de là le chemin du retour, ou le moyen de faire un saut dans un autre centre-ville...